** ellanaveva: Colère muette

21 novembre 2008

Colère muette

Je m’appelle Elodie. Ou Vanessa. Ou Charlotte. Cyndie si vous vous voulez. Je m’en fous.

J’ai 16 ans. Je suis une sale pute. C’est mon père qui dit ça. Je m’en fous, je veux juste que ça s’arrête.

J’ai rien dit quand les flics m’ont retrouvée après mes 3 jours loin de la maison. J’ai pas envie de parler. Même à la dame qui avait l’air gentil, à l’hôpital, quand mon père m’a entrainée pour régler le problème. Je dois y retourner de toute façon. Je veux qu’on me foute la paix.

Je suis allée au lycée cet après-midi, pour voir l’assistant social. Y’avait mon père et ma belle-mère. La prof est passée. Elle a été surprise parce que j’avais coupé mes cheveux. Avant, ils étaient super longs. J’ai même essayé le bleu, c’était pas terrible.

La prof m’a fait promettre de revenir en cours ; j’ai pas envie. J’ai promis, jusqu’à Noël. Elle dit qu’après, on discutera. J’ai pas envie de discuter. Pis mon père, il me garde, enfermée, jusqu’à ce que ça soit réglé. Il dit aussi que je suis qu’une menteuse et que si je retourne à l’école, je ferai rien. La prof n’était pas contente après mon père, elle a dit que ça (un autre ça), c’était son affaire. Je la connais pas depuis longtemps mais je sais qu’elle s’est retenue devant mes parents. Y’a qu’à moi qu’elle a dit que l’avortement devait être mon choix. Juste avant, elle avait regardé mon père et avait décrété « Je vous l’emprunte 5 minutes ». On est allées à l’infirmerie pour être tranquille, l’infirmière a approuvé. Mais c’est des adultes, elles ont quand même dit que c’était tôt pour avoir un enfant, surtout vu les conditions. Moi, j’m’en fous. Je veux que ça s’arrête.

Pis la prof, elle est partie, elle était pressée, fallait qu’elle récupère sa fille à l’école. Elle a salué mes parents, moi, elle m’a serré le bras, presqu’une caresse et m’a dit « ca va aller ». Je sais pas, je m’en fous…

12 commentaires:

Anonyme a dit…

la chair de poule évidemment ...

Anonyme a dit…

mon beau sapin !

Anouschka a dit…

Lili - J'en suis malade...

Layla - j'ai tu le passage "Je voudrais être placée, je le demande depuis longtemps. Mon père est maintenant d'accord mais ça semble pas si simple..."

Anonyme a dit…

c'est terrible

Anouschka a dit…

Virginie - Ca passe pas, c'est pourtant une sorte de quotidien.
Et tout ce qu'on ne sait pas...

Anonyme a dit…

On ne parle que de sécurité routière (même si il faut aussi en parler!)
mais combien de nos enfants disparaissent parce qu'ils ne sont pas aidés?
bouleversant

Anonyme a dit…

Ben si cette personne a eu raison de faire ce métier
Cette élève s'est sentie écoutée et soutenue... plus que t'apporter son savoir, n'est ce pas le rôle d'un professeur que de croire en son élève et de le soutenir?...
tellement de choses nous dépassent mais ce qui nous fait continuer c'est de croire en la valeur humaine...
Il y a tellement de choix et de situations et de choix qui nous désarment ...toutefois ces personnes restent là présentes et à l'écoute......
Alors oui elle a eu raison de faire ce métier...

Anouschka a dit…

Franck - C'est ça, elle voulait disparaître, devenir transparente...

Lau - Tu le sais, toi, que ça nous mine et qu'on n'est pas armées pour... ça.
(après l'entrevue, finalement, j'étais en retard pour récupérer Ella, la batterie de ma voiture sur le parking était à plat. Et mon sauveur, dans les premiers flocons qui me disait "pleure pas pour ça, on va réussir à la démarrer...")

DdM a dit…

Brrr...

Je n'ai pas de mots pour commenter, mais je n'en pense pas moins...

Anouschka a dit…

DdM - Ca fait mal à mon p'tit coeur de prof, de femme, de mère.

(Après plein de trucs, ça change des "ça", elle devrait revenir jeudi, le jour où sa classe propose le travail sur les droits et les devoirs de chacun...)

Anonyme a dit…

C'est parce que tu as encore des colères, des révoltes que tu es "belle" et bien faite pour ce métier.
Ne te blinde jamais, c'est lorsque "ça" fait mal que l'on essaie de le changer...
Ils ont de la chance, tes momes. Des profs comme toi, pas faits pour ce métier, il en faudrait plein les lycées.

Anouschka a dit…

Anomyriam - Y'en a plein des profs comme ça, démunis pareil, en révolte mais aussi fatigués de constater que ça n'avance pas ou pas assez vite, que la vie de dehors ne se résout pas au dedans et que, au dedans déjà, c'est pas si facile.
A l'école, les profs aussi vivent les plus belles choses et les grands chagrins...